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26 avril 1901

Deux insurgés algériens à la prison de Thouars

C’est en 1864, sur les pentes de Zaccar, entre Alger et Oran, qu’a été créée par les colons français d’Algérie la petite localité d’Aïn Turki, dans une zone propice à l’agriculture et la viticulture. Quelques années plus tard, elle prendra le nom de Margueritte, en hommage au général du même nom, personnalité de la guerre franco-prussienne de 1870.

Margueritte est le village colon typique, avec ses rues rectilignes et ses infrastructures républicaines. Depuis plusieurs décennies maintenant, la colonisation, initiée dès 1830, s’est solidement implantée en Algérie. La dernière grande révolte remonte à 1871. Depuis, les tensions se sont apaisées et la force militaire sur place a été réduite à moins de 1500 hommes. Quant à la gendarmerie, elle ne compte plus qu’une centaine de brigades réparties sur le vaste territoire que composent les trois départements français d’Algérie.

Ainsi donc, à Margueritte comme dans la plupart des petites localités où vivent les colons, seul le garde-champêtre représente l’autorité. Au début du XXème siècle, Margueritte compte à peine 100 habitants européens quand la population musulmane alentour s’élève à plus de 3000 personnes, travaillant aux champs et aux vignes. Même si Européens et indigènes vivent côte à côte, pratiquement sans contact, rien ne laisse présager le drame qui couve.

Le vendredi 26 avril 1901, vers midi, près de 200 émeutiers se présentent devant la bourgade. A leur tête, Yacoub Mohamed Ben el Hadj Ahmed. Musulman intégriste, sachant lire et écrire, influent, il est connu à Margueritte où il se présente tous les jours au café pour interdire aux musulmans de boire de l’alcool, de fumer ou jouer. A ses côtés, Taalbi el Hadj, qui réunit quotidiennement ses compatriotes sur la place du marché pour y faire la prière du soir.

Jusqu’alors, jamais ces deux hommes n’ont été plus loin vis-à-vis des colons.

Mais ce jour de printemps, leurs intentions sont claires. Le village de Margueritte doit être le point de départ d’une insurrection d’envergure. Persuasifs, ils ont attiré autour d’eux des dizaines d’hommes travaillant pour les colons de Margueritte. Sans préavis, sur leurs fougueuses montures, les émeutiers détruisent tout sur leur passage, semant la terreur dans les maisons. Prise elle-même à partie, l’institutrice fait preuve de courage pour protéger les enfants.

La plupart des colons parviennent à fuir. Huit d’entre eux sont néanmoins égorgés.

Prévenues grâce au télégraphe, les autorités françaises interviennent rapidement. Seize émeutiers sont tués quand les forces de l’ordre dénombrent dans leurs rangs un mort et huit blessés. Le 26 avril au soir, l’insurrection est mâtée et les émeutiers arrêtés.

La plupart seront transférés à Montpellier pour un procès qui débute en décembre 1902.

Si rétrospectivement, cet évènement peut sembler anecdotique, il eut pourtant à l’époque un retentissement considérable, la presse s’emparant largement du sujet. Le Figaro écrivait « Si les Arabes sont mécontents, c’est qu’ils sont maltraités. On leur refuse ou bien on leur distribue mal la justice ».

A Paris aussi, dans les débats de l’Assemblée, la révolte de Margueritte déchaine les passions et les opinions contradictoire véhiculées par les politiques et les journalistes ébranlent les certitudes françaises quant à la présence en Algérie.

A ce titre, le procès, largement politisé, est très suivi

Yacoub Mohamed Ben el Hadj Ahmed est défendu par un avocat d’origine guadeloupéenne, Maurice L’Admiral. Minimisant la violence de l’insurrection, celui-ci plaide le sort des populations algériennes. Les jurés l’entendent et évitent la guillotine aux émeutiers. 26 d’entre sont condamnés à  des peines de quelques mois. La plupart sont acquittés.

Yacoub Mohamed Ben el Hadj Ahmed et Taalbi el Hadj sont néanmoins condamnés aux travaux forcés à perpétuité. Les deux hommes sont enfermés pendant six mois à la maison centrale de Thouars, dans l’ancien château des ducs de la Trémoïlle. Ils rejoignent ensuite le bagne de Nouvelle-Calédonie où ils mourront en détention en 1905.

L’insurrection de Margueritte, oubliée de nos jours, est considérée par certains historiens comme révélatrice des causes qui entraineront plus tard l’indépendance de l’Algérie.

 

A l’issue du procès, dans son édition du 8 février 1903, le journal « La Dépêche » publiait ces lignes prémonitoires : « L’insurrection de Margueritte a été une révolte de prolétaires fanatisés, persécutés et affamés. Si la France laisse subsister ce régime, ou elle perdra l’Algérie ou elle aura finalement à réprimer des insurrections encore plus terribles ».

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